France
June 13, 2022
A la tête du semencier depuis plus de 15 ans, Gilles Fouquin revient sur le parcours de Secobra Recherches sur plus d’un siècle. Et voit pour l’avenir un rôle absolument central pour les créateurs de variétés face à l’internationalisation de la filière brassicole, au dérèglement climatique et à la nécessaire réduction de l’empreinte carbone de la Filière.
QUE RETENIR DES 120 PREMIERES ANNEES DE SECOBRA RECHERCHES ?
Gilles Fouquin : Un parcours assez étonnant ! Début XXème siècle, un petit syndicat de brasseurs français se soucie de mieux cultiver la matière première-orge. L’intuition de ce groupe est qu’un mode de culture réfléchi va améliorer la qualité brassicole. Jusqu’en 1950, la mission de la Société d’Encouragement à la Culture de l’Orge de BRAsserie est de fournir du conseil agronomique et un observatoire des qualités à la moisson (rôle rempli aujourd’hui par la plaquette Malteurs-Brasseurs de France). Progressivement la filière touche du doigt l’importance de la variété-lignée et même de la variété cultivée pure.
A partir des années 50, SECOBRA est chargée de promouvoir l’identification variétale et de recenser les variétés d’orge au niveau mondial. Ce travail permet de produire des semences pures et de passer de variétés-population à des variétés pures.
En 1980, nous devenons SECOBRA Recherches, un sélectionneur qui oeuvre dans l’intérêt de la Filière. Première mission : transférer la qualité brassicole aux orges d’hiver à 2 rangs puis à 6 rangs. Plus compétitive que l’orge de printemps, l’orge d’hiver brassicole va permettre aux malteurs français de devenir les premiers exportateurs mondiaux. Nous devons désormais promouvoir et développer les orges d’hiver brassicoles sur toute l’Europe continentale. Pourquoi? Parce que l’orge à 6 rangs d’hiver est l’arme absolue face au réchauffement climatique.
Carrousel, orge d'hiver 6 rangs brassicole
Bilan : d’un club de brasseurs dominés par des parisiens, d’où notre localisation dans les Yvelines, SECOBRA Recherches réunit aujourd’hui à son capital, par Brasseurs de France, trois des plus grands brasseurs mondiaux (ABinBEV, Heineken et Carlsberg), et par Malteurs de France les trois plus grands malteurs mondiaux (Boortmalt, Malteurop et Malteries Soufflet).
COMMENT EVOLUE VOTRE METIER ?
Gilles Fouquin : Nous avons travaillé longtemps à maximiser le nombre de plantes étudiées nous sélectionnions parmi une diversité créée. Ensuite, comme en compétition, ce métier est devenu une course de vitesse avec ses techniques d’accélération du progrès génétique : la SSD, l’haplo-diploïdisation, la culture à contresaison en Nouvelle-Zélande pour les orges de printemps… Ce qu’on nous demande aujourd’hui, c’est de créer des réponses pour les filières brassicoles dans le monde entier. En clair, comment créer une variété adaptée à un pays exotique pour lancer un approvisionnement local, tout en gardant bien sûr les acquis Qualité auxquels on s’est habitué en France ? Notre réponse s’appelle Tempo. Ce projet a permis d’identifier une multitude de gênes « de précocité ». A partir d’une variété, ces gênes vont apporter de la précocité sans entamer le potentiel de rendement. En pays peu arrosé, cette variété évitera plus facilement l’échaudage et diminuera le besoin en irrigation.
LES INDUSTRIELS ONT-ILS D’AUTRES EXIGENCES ?
Gilles Fouquin : Oui clairement. Ils doivent réduire leur empreinte carbone. Avec des process où les orges sont moins exigeantes en eau au maltage et en énergie en général. Mais le gros sujet environnemental est la fumure azotée. Comment la diminuer sans affaiblir la richesse enzymatique ? Notre projet porte le nom de Nova. Il a permis d’isoler des gênes « natifs » dans des orges exotiques. Grâce à eux, à 9 % de protéines seulement à la récolte, la richesse enzymatique est maintenue voire améliorée.
Les micro-brasseurs, de leur côté, ont apporté des idées neuves, de nouveaux gouts, de la créativité. Ils ont largement contribué à relancer la consommation de bière en France. Secobra se sent en phase avec ces craft brewers, comme les appellent les anglo-saxons. Notre créativité est notre meilleur atout. Nous sommes devenus des craft breeders, des créateurs variétaux ».
SECOBRA Recherches, par les filières, pour les filières…
L’actionnariat de SECOBRA Recherches met autour de la même table les plus grands malteurs, des brasseurs, des coopératives, des organismes collecteurs privés, des associations... Citons Soufflet, Vivescia (Malteurop), Carlsberg, la coopérative allemande BayWa, Malteurs & Brasseurs de France... De taille moyenne, SECOBRA Recherches doit son succès à son métier d’origine, la sélection de l’orge de brasserie. Mais en se positionnant à partir de 1991 sur l’espèce blé, elle dispose désormais de l’expertise nécessaire pour mettre au point aujourd’hui des variétés à vocation internationale. SECOBRA Recherches développe des variétés diffusées dans 45 pays.
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